• L'Affaire de Villemarechal

    Pendant la guerre de Cent Ans, Villemarechal étant une place forte du Gatinais est attaqué par les anglais (Mars 1360) lors de de leur périple les conduisant de la Bourgogne vers Paris qu'ils avaient décidé de prendre pour faire plier le régent.

    Henri STEIN (1862-1940) publia en 1893 un texte (Alphonse Picard, éditeur, Paris) sous le titre:

    Un épisode de la guerre de cent ans dans le Gâtinais, l’affaire de Villemaréchal.

    En voici un extrait:

    Edouard III, roi d’Angleterre, poursuivait en France le champ de ses nombreux exploits. L’armée de son fils le prince Noir avait dans la fatale journée de Poitiers (1356) fait prisonnier le roi de France Jean, dit le Bon ; et, grâce au désarroi produit dans le gouvernement de la Régence par ce douloureux événement, les provinces étaient tour à tour envahies, rançonnées, mises à sac, sans qu’aucune armée sérieuse réussît à les repousser et s’opposât même à leur passage. En 1389, Edouard, ayant avec lui le prince de Galles, le duc de Lancastre, des nobles d’Angleterre, d’Allemagne et d’autres pays, pénétra de nouveau dans le nord de la France avec une armée assez considérable.

     Il tenta de prendre Amiens d’assaut, mais il trouva la place trop bien défendue, et se dirigea sur Reims, qui subit un siège de plusieurs semaines. Là encore il fallut, après plusieurs escarmouches très meurtrières, se replier, et l’envahisseur marcha par Troyes vers la Bourgogne.

    En février 1360, le duc de Bourgogne, resté toujours fidèle aux rois capétiens, mais ne pouvant plus compter que sur ses propres forces, craignit d’offrir la bataille au conquérant et, cédant devant le nombre, désireux d’éviter à son pays de sanglants ravages, signa à Guillon (Yonne), le 10 mars 1360, un traité de paix ; il s’engagea à verser au trésor du roi d’Angleterre une somme de 200000 deniers d’or, payables en quatre termes assez rapprochés (...).

    Toutefois il semble qu’à cette nouvelle, équivalent à un désastre, un renouveau de patriotisme se soit emparé des Français, et si le pouvoir royal était dans l’impossibilité d’imprimer aucun ensemble à la défense nationale, du moins chaque seigneur était-il libre d’agir pour son propre compte et de convoquer le ban et l’arrière ban de ses feudataires pour opposer à l’ennemi une dernière et opiniâtre résistance.

    Edouard d’Angleterre n’ayant plus à espérer de l’Est de la France, n’eut plus qu’une idée désormais : atteindre Paris et compléter le succès de ses armes triomphantes par le siège de la capitale. Si Philippe de Bourgogne avait plié, le Régent cèderait à son tour et de gré ou de force le coeur même de la France se rendrait (...).

    (...) Sûrs d’eux-mêmes et de l’impuissance de leurs adversaires (les Anglais) se partagèrent en deux corps d’armée. Edouard traverse l’Yonne à Coulanges, au-dessous de Clamecy, et tandis qu’une partie de ses troupes allait camper sous les murs de Paris en passant par la Brie et la rive droite de la Seine, l’autre partie se dirigea vers Melun en passant par le Gâtinais et la rive gauche du fleuve.

    Ce dernier corps d’armée, avant d’arriver à Moret, vint attaquer directement le chateau de Villemaréchal, à la fin du mois de mars 1360 (...). La très importante position du chateau-fort de Villemaréchal, du point de vue stratégique militaire, n’avait pas échappé à la sagacité des chefs anglais qui espéraient le trouver abandonné et s’en rendre maîtres sans coup férir. C’est alors que, dans un élan patriotique, les dernières forces vives de la région gâtinaise se réveillèrent.

    Comme le racontent, seules d’ailleurs, les Grandes Chroniques, la lutte fut dirigée contre le prince Noir par cinq gentilshommes dont les noms nous ont été heureusement conservés. " Haguenier de Bouville, le seigneur d’Aigreville, Jehan des Bares, Guillaume du Plessis, Jean Braque " furent, avec quelques poignées d’homme recrutés à la hâte dans le voisinage, les héros oubliés de cette tentative isolée de soulèvement contre les envahisseurs (...).

    Les Anglais s’étaient postés dans une petite forteresse, située au nord de Villemaréchal, et à 600 mètres environ dans la plaine : on l’appelait les Tournelles, et l’on donne encore ce nom au hameau qui s’est substitué à L’ancienne position militaire (...). (La petite forteresse était) un rectangle entouré de fossés, comprenant quatre tours rondes d’angle, quatre courtines sur le milieu de chaque côté, et au centre du rectangle un donjon.

    La situation devait être excellente.

    Les Français que rien n’arrêtait, décidés à tout oser, allèrent au-devant du danger et vinrent au nombre de près de cent essayer de déloger les Anglais. Pour cela ils s’établirent dans un petit camp retranché, élevé pour la circonstance, non loin des Tournelles, dans une sorte de bastille. Mais, trop téméraires ou trop imprudents, les Français ne songèrent pas que, cherchant à cerner les Anglais, ils pourraient à leur tour être enveloppés eux-mêmes et perdre en un instant tout le bénéfice de leur audacieux coup de main. C’est ce qui arriva. Le gros de l’armée anglaise qui s’avançait lentement, venant de l’Est, survint fort à propos pour entourer la petite troupe française, fit le siège de la bastille et l’enleva en un coup de main (...).

    (Les Français), vaincus par le nombre, après avoir souffert de la faim et lutté avec acharnement, durent se rendre prisonniers aux mains des Anglais qui continuèrent après cette facile victoire leur route vers Paris (...).

    L’affaire de Villemaréchal est essentiellement locale, il importe de bien le faire remarquer ; et ce ne peut être sans intérêt que l’on songe à cet élan de chevaleresque bravoure, indépendant de toute direction générale, dont les auteurs n’obtinrent pour unique récompense que les tristesses de la captivité (...).


    Nota :

    Guillaume de Bouville, dit Haguenier, frère de Charles de Bouville qui fut gouverneur du dauphiné sous charles VI.

    Jean des Barres, d'une famille qui s'était déjà illustrée sous Saint Louis et fils d'un maréchal de France.

    Jean Braque, un des fils d'Arnoul, frère d'Amaury et Nicolas.



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